Le choix de Jean : mourir sans souffrir, mourir dans la dignité - un regard sur les questions du deuil, de la maladie, de la mort

Le choix de Jean : mourir sans souffrir, mourir dans la dignité - un regard sur les questions du deuil, de la maladie, de la mort

Si je devais avoir un souhait avant de mourir, c'est que les générations futures... non, même pas ... que mes frères, mes soeurs ... mes parents ... aient ce choix. Ça, ça serait formidable.
Fabienne Bidaux


Aujourd'hui, nous allons aborder un sujet grave, un sujet généralement tabou. Nous allons parler de la mort, celle qui ne nous surprend pas au détour d'un virage, celle qui suit en général l'annonce d'une maladie grave, celle que nous pouvons prévoir, aussi cynique et incompréhensible que cela puisse être. Nous allons poser les questions de la maladie, du deuil, de la mort aussi bien sûr.

J'ai peur d'aborder ce sujet ici... c'est usuellement un tabou et les réactions sont souvent vives et tranchées. Ce n'est pas du tout le but. Cela étant, je prends le risque car l'envie de partager avec vous ces regards est plus forte. Il ne s'agit pas de prendre position, de convaincre, non. Non. Il s'agit simplement de prendre le temps d'écouter. Ecouter leurs messages, leurs émotions, leurs convictions, leurs peurs, leurs questions.

Le Choix de Jean est gravé en moi depuis des années. Ce reportage est paru en Suisse la première fois en 2005, et tout récemment j'ai entendu Fabienne, et je me suis replongée dans mes réflexions...  j'ai fortement repensé au choix de Jean, et son actualité m'a saisie. Voilà ce que disait Fabienne Bidaux, il y a tout juste quelques mois :



Fabienne, elle ne s'émeut pas de sa décision, ni de son sort, non. Fabienne, elle s'émeut pour les autres, dans un moment qui moi, me tétaniserait et me ferait partir en circonvolution sur moi-même, Fabienne, elle, s'inquiète de savoir si ses proches un jour auront cette possibilité.

Ça... cette grandeur... ça m'a touché au plus profond de mon être.

Le regard de Jean sur sa décision à travers ce magnifique reportage est très intense, souvent  difficilement soutenable pour moi tant l'émotion me submerge. Parce-que je vois ce reportage comme un message d'amour, de vie... oui, de vie, de vie dans la bienveillance, la tolérance. Peu importe finalement notre opinion personnelle sur le droit de mourir dans la dignité, je crois que l'objet de ce reportage n'est pas là. Je crois qu'il s'agit simplement de se plonger dans ce passage de la vie de Jean, dans son choix, dans son moment de vie, de lentement se laisser imprégner par toutes les émotions que suscite cette décision, de l'absurde à la douleur, de la peur au chagrin, de l'incompréhension à l'admiration... Jean nous fait l'immense cadeau de ce partage, et rien que ça, ça me bouleverse.
Ce film est la chronique des derniers mois de Jean Aebischer, 58 ans, atteint d'un cancer. Nous le suivons dans sa vie quotidienne, jusqu'à son dernier moment. Dernier moment qu'il a lui-même fixé, ayant demandé une assistance au suicide.
Jean Aebischer vit en Suisse, près de Fribourg. Atteint d'un cancer, il a des métastases cérébrales, petites bombes à retardement, qui vont en quelques semaines toucher des fonctions vitales. Ses médecins lui laissent l'espoir de vivre au plus quelques mois. Pourtant, il ne ressent aucun symptôme de sa maladie. Plus que la mort, Jean Aebischer craint la souffrance, la dégradation physique, l'image d'agonie qu'il laisserait aux siens.
En Suisse, l'assistance au suicide est une pratique autorisée. L'association Exit aide des malades en fin de vie à mettre fin à leurs jours : un bénévole leur apporte une solution mortelle. Auparavant, Exit examine leur dossier médical et rappelle ses conditions. Parmi celles-ci, l'obligation pour le malade d'absorber lui-même la solution mortelle. Jean Aebischer est mort le 6 janvier 2004.
Réflexion sur l'assistance au suicide, ce film est aussi un travail sur la maladie, la mort et le deuil. Pourquoi choisir l'assistance au suicide ? Comment fixer le moment de sa mort ? Contrôler le moment de partir apaise-t-il l'angoisse de la mort ? Comment se préparer à mourir ? Comment y préparer ses proches ?
 
Allez, il est temps, il est l'heure d'ouvrir les yeux ne serait-ce qu'un instant sur ce qu'il se passe à côté de nous, dans ce qu'est aussi notre monde, la vie, la mort, l'amour...




PS : Ça me fait penser à ce très bel article sur l'accompagnement des enfants prématurés, heureusement que de telles personnes existent...

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Pour aller plus loin, si le coeur vous en dit, il y a :
  • le site de l'association Exit et ici le rapport public où on apprend entre autre que ce sont majoritairement les femmes qui sont membres de l'association et qu'en 2014, il y a eu 174 assistances au suicide effectuées ;
  • ce bref article sur les réactions du public et des médecins dans le canton de Genève suite à la diffusion de ce reportage, très intéressant ;
  • cet article du collectif Plus digne la vie qui s'intitule Choisir sa mort et la mettre en scène qui invite à une prise de position. Très critique sur Le Choix de Jean, argumenté et construit. Il y est fait mention de la femme et des enfants de Jean qui auraient été très critiques eux-aussi, rien trouvé là dessus par contre.
  • l'ouverture du débat en France suite à "l'affaire Humbert"
  • l'interview du Dr Sobel, président de l'association Exit Suisse Romande
  • Danielle Menetrey, compagne de Jean Aebischer, participant à un débat dont le sujet est l'Aide au suicide: peut-on choisir son heure ? en 2005

5 commentaires:

  1. Bon matin Maurine,

    Je manque de temps ce matin, mais je reviendrai assurément lire tout ceci et parler avec toi de deux choses :
    *d'un livre (ben oui ! :)) de Jojo Moyes : « Avant toi »
    *et de mon papa qui, il y a déjà de nombreuses années, a choisi le suicide (non-assisté).

    Comment parler de ceci aux gens qui questionnent ?
    Comment expliquer qu'il ne s'agit ni de lâcheté, ni de bravoure, mais simplement d'une volonté de mettre un terme à la souffrance quelle que soit la nature de celle-ci ?



    Pas évident en effet. On s'en reparle plus longuement sous peu.



    Belle journée, je dois filer.

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  2. Bonjour Marion,
    Alors ça, je ne l'avais clairement pas prévu... !
    C'est avec grand plaisir que je discute de tout cela avec toi à condition que cela ne te peine pas trop... Tu fixes le rythme ok ? :)
    Excellente journée à toi ! Ici il fait beau et chaud, c'est divin de se laisser flotter ;)

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  3. Effectivement, difficile de ne pas voir un petit clin d'oeil de l'univers dans ces évènements !!! C'est dingue quand même !?


    Fabienne m'a tellement émue, je la trouve d'une grandeur incroyable. Tu verras, "Le Choix de Jean" n'est pas ce qu'on peut appeler un reportage léger par le thème abordé, mais alors quelle humanité, quelle tendresse, quels émotions... pfffiuuuu... Je me réjouis d'avoir ton retour, avec ton oeil si bien aiguisé, ah oui, je me réjouis :)


    Je suis entièrement d'accord avec toi concernant le choix, la décision. Je te trouve très courageuse, j'ai le sentiment que tu as déjà parcouru un long chemin dans ta démarche, si je peux y contribuer ne serait-ce qu'un tout petit peu, alors, vraiment, cet article aura atteint tout ses objectifs !!!


    Que cette journée te soit douce Marion <3

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  4. Ton blog est très fourni, je suis un peu perdue:)
    Voilà un sujet à propos duquel je reste indécise. Respecter la volonté des gens qui souffrent, oui, évidemment, mais faire encore une loi alors qu'il existe déjà la loi Leonetti me pose problème. Que sait-on du réel désir des gens? Qu'arriverait-il sous certains régimes extrêmistes, comment la loi serait-elle interprétée, voire détournée?

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  5. Alors une seule solution : s'y perdre ! ;)

    Je partage complètement tes interrogations, et je me dis qu'avec des témoignages tels que celui de Fabienne, eh bien, il y a un truc qui joue pas. Quelle forme de loi ? Franchement, je ne suis pas experte pour pouvoir me prononcer. Peut-être une association comme celle qui existe ici chez nous, "Exit" ? Peut-être... j'en sais trop rien. Dans tous les cas, je partage son souhait et loue son humanité :)

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