(Roman) Patients

Roman Patients


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J'aime d'amour les heureux hasards car c'est un peu comme si l'espace d'un instant, le destin nous faisait un clin d'oeil complice. C'est ce qu'il s'est passé lorsqu'un(e) voisin(e) a laissé en évidence, tout en haut des boites aux lettres, le livre "Patients" de Grand Corps Malade. Je ne sais pas comment le/la remercier.

Ce qui m'a attiré le regard, c'est le mot "patients". Je me suis dit, tiens, un éloge à la patience, ça ne peut pas me faire de mal. Et puis j'ai lu la 4e de couverture :
« J'ai envie de vomir.
J'ai toujours été en galère dans les moyens de transport, quels qu'ils soient. J'ai mal au coeur en bateau, bien sûr, mais aussi en avion, en voiture... Alors là, allongé sur le dos à contresens de la marche, c'est un vrai calvaire.
Nous sommes le 11 août et il doit bien faire 35 degrés dans l'ambulance. Je suis en sueur, mais pas autant que l'ambulancier qui s'affaire au-dessus de moi ; je le vois manipuler des tuyaux, des petites poches et plein d'autres trucs bizarres. Il a de l'eau qui lui glisse sur le visage et qui forme au niveau du menton un petit goutte-à-goutte bien dégueulasse.
Je sors tout juste de l'hôpital où j'étais en réanimation ces dernières semaines. On me conduit aujourd'hui dans un grand centre de rééducation qui regroupe toute la crème du handicap bien lourd : paraplégiques, tétraplégiques, traumatisés crâniens, amputés, grands brûlés...
Bref, je sens qu'on va bien s'amuser. »

À tout juste vingt ans, alors qu'il chahute avec des amis, Fabien heurte le fond d'une piscine et se déplace les vertèbres. Les médecins diagnostiquent une probable paralysie à vie. Il relate ici, dans le style poétique, drôle et incisif qu'on lui connaît, les péripéties truculentes, parfois cocasses, vécues avec ses colocataires d'infortune dans un centre de rééducation pour handicapés. Jonglant entre émotion et dérision, ce récit est aussi celui d'une renaissance.

Grand Corps Malade, de son vrai nom Fabien Marsaud, est né un 31 juillet 1977, sous le soleil de la Seine-Saint-Denis. Enfant, Fabien veut devenir prof de sport. Mais la vie lui réserve un autre destin. C'est armé d'une béquille et d'un stylo qu'il se lance dans la musique. En 2006, son premier album, Midi 20, se vend à plus de 600 000 exemplaires et l'artiste est primé deux fois aux Victoires de la musique («album révélation» et «révélation scène» de l'année).

Rien à voir avec la patience ! Je n'avais absolument aucune idée que Grand Corps Malade tenait son nom de scène de ce tragique accident. Et puis je me suis souvenue d'une brève interview radio où je l'entendais avec sa belle voix grave, raconter deux/trois anecdotes à ce sujet. Alors j'ai pris le livre avec moi. A l'heure du coucher, je me suis dit que j'allais lire quelques pages comme à mon habitude. Eh bien je n'ai pas pu décrocher ! J'avais peur de tomber dans le voyeurisme, et c'est tout le contraire : j'ai ri, ri de bon cœur avec cette bande de jeunes potes bourrés d'humour et un peu grossiers.

Ce livre est lumineux et respire la vie, je trouve qu'il incarne à merveille la question de "l'attitude face à un évènement" : le fait qu'à chaque instant, nous faisons un choix conscient de vivre un évènement d'une manière plus ou moins négative. Il ne s'agit pas de se leurrer et de vivre dans une réalité fantasmée. Non, clairement avoir un accident avec un pronostic de tétraplégie, tu peux le retourner comme tu veux, c'est une grosse tuile et ce n'est pas maîtrisable. Ceci dit, ce que tu peux contrôler, c'est la manière dont tu abordes l'évènement, et ça, ça t'incombe. Bien plus facile à dire qu'à faire, on est bien d'accord, et pourtant... Grand Corps Malade le fait. Exécution parfaite. 5/5. Une véritable leçon.

En préparant cet article j'ai alors découvert qu'ils en avaient fait un film. Quelle joie ! Le trailer est à l'image du livre, mais je dois dire que j'ai trouvé le film beaucoup plus "dur" que le livre... un peu dommage.



Je vous laisse avec un petit extrait qui m'a beaucoup fait rire :
Comme je suis souvent allongé au lit et que les séances de rééducation sont encore très courtes, mes premiers contacts avec les autres patients du centre se font dans ma chambre. Quelques curieux viennent rencontrer le nouveau.

Le premier, c’est Nicolas. Avant de le voir entrer dans la chambre, j’entends que quelqu’un se cogne pendant trente bonnes secondes contre la porte et les murs. Je me demande bien ce que c’est que ce bordel et comment on peut avoir autant de mal à passer une porte. Me traverse même l’idée que celui qui tente de me rendre visite est aveugle en plus d’être paralysé... Mais non, Nicolas n’est pas aveugle, il galère, et pour cause : il tente de manier seul son propre brancard, allongé sur le ventre.

« Salut ! il me lance.
– Salut.
– Ça va ?
– Ouais...
– Tu t’appelles comment ?
– Fabien.
– Moi, c’est Nicolas. Ben... Bienvenue chez toi. »

Il est fou celui-là, pourquoi il dit ça ?! C’est pas chez moi, ici. Je ne fais que passer. Et si tout va bien, dans quelques semaines, je me barre. Je suis pas handicapé, moi, c’est provisoire tout ça, juste un mauvais moment à passer...

« Ben merci... Ça fait longtemps que t’es là, toi ?
– Non, je suis là depuis deux semaines, et pas pour très longtemps.
– Qu’est-ce que t’as ? Pourquoi t’es sur le ventre ?
– J’ai une eschare au cul, d’ailleurs faut que j’aille aux soins. Je repasserai te voir. Ciao. »

Et voilà Nicolas qui tente une marche arrière à l’aveugle sur son brancard. Il défonce la porte une bonne dizaine de fois et finit par disparaître. S’il revient me voir plusieurs fois, il faudra refaire l’enduis et la peinture de l’entrée de ma chambre.
Je n’ai pas bien compris le sens de sa visite. Ça se voulait sûrement de la courtoisie, mais il avait un air tellement blasé, presque cynique, qu’il ne m’a pas semblé très accueillant. Il m’a regardé vraiment comme si j’étais le petit bleu de l’étage qui ne pige rien alors que lui, il sait. Il sait ce qu’il fait là, il sait ce que je fais là, il sait ce qui m’attend... Enfin, je suis peut-être un peu parano, c’est quand même gentil d’être venu me voir. Mais je ne comprends pas pourquoi il est reparti si vite. Et puis, j’ai rien compris à ce qu’il avait au cul.

(Roman) Patients

Je le conseille à :
  • tous ceux qui ont connu le bonheur de 'la' bande de potes
  • tous ceux qui n'ont pas peur de voir l'hôpital comme un endroit, certes pas toujours, mais - aussi - lumineux
  • tous ceux qui veulent découvrir les dessous de la rééducation





Vous lisez quoi en ce moment vous ? Quelque chose à me conseiller ?


PS : Peut-on parler de tout ? Et en rire ?

4 commentaires:

  1. Une belle démonstration de résilience.

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  2. J'ai vu le film au festival de Sherbrooke l'an passé. J'ai ri, j'ai pleuré, j'ai compris, j'ai appris à savourer encore plus ma vie, mon corps. Un grand beau film.

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    1. :) Oui je crois que j'ai ressenti aussi ce dont tu parles... ça m'émeut encore !

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