Que génèrent honte et culpabilité ?


...à l'époque où les fabricants de shampoing
voulaient que les femmes commencent à se soucier
de l'odeur que pouvaient avoir leurs cheveux... (via)

Une autre grande découverte de ces derniers mois a été la notion de 'tendance à l'action' et plus particulièrement des tendances à l'action associée habituellement à la honte et la culpabilité. Vous allez voir, c'est passionnant. Mais reprenons un peu en amont :

Dans la difficile tâche de la définition de l’émotion, les chercheurs s’accordent généralement sur un minimum de 3 composantes en réponse à une situation donnée. Prenons l'exemple d'une personne qui pointe son arme sur moi :
  • le sentiment subjectif (> j'ai peur)
  • les changements psychophysiologiques (> sudation)
  • et l’expression motrice (> fuite)
auxquels on a récemment ajouté 2 autres composantes :
  • les tendances à l’action (> volonté de fuir)
  • ainsi que l'évaluation cognitive (> danger)
Petite remarque sur l'ordre chronologique qui dépend de la théorie. La question de savoir si c'est la peur qui déclenche la fuite ou la fuite qui déclenche la peur déchire encore maintenant les chercheurs. De nombreux arguments pour l'un et l'autre des "camps" sont scientifiquement valables...
Ceci dit, concentrons-nous sur la notion de tendance à l'action qui est la moins intuitive de toute.

Arnold (1960) la définit comme "ce qui urge à agir dans une direction". Ce n'est donc pas l'action en elle-même mais cette sorte de "préparation" inconsciente que notre corps fait quasi instantanément en réponse à une émotion. Dans notre exemple sur la peur, qui est une émotion dite de base, c'est la différence entre la fuite et la volonté de fuir. Une tendance à l’action facilite (ou interfère avec) certaines actions et s’accompagne de réactions physiologiques et musculaires préparant les actions.

Ainsi, si pour la peur, la tendance à l'action associée est l'éloignement/la protection. Quelles seraient les tendances à l'action de la joie ? de la colère ? de la tristesse ?

Pour la joie, c'est une volonté de rapprochement. Pour la colère, c'est l'opposition, l'hostilité. Et pour la honte/culpabilité, c'est la soumission


En quoi cela est-il important ?

Imaginez être entourée d'une personne peu bienveillante sans pour autant avoir à faire à quelqu'un de consciemment pervers et manipulateur hein, pas besoin d'aller jusque là, juste quelqu'un qui aurait très inconsciemment compris qu'en générant chez vous un sentiment de honte et de culpabilité, elle pouvait obtenir de la soumission. Que se passerait-il ?

Vous allez me rétorquez que ce n'est pas courant comme situation, eh bien je vous invite à considérer les enfants en bas âge autour de vous dans une scène hautement caractéristique : caprice monumental au milieu d'un espace public.

  • Votre enfant : rouge de colère, le nez par terre, les hurlements digne d'un chanteur d'opéra. 
  • Vous : "je ne céderais pas" prononcé d'un ton affirmé. 
  • Attendez de sentir sur vous le regard choqué des passants, les remarques acerbes qui fusent sur votre capacité à être un bon parent. Emotion n°1 : honte. 
  • Regard vers votre enfant : il est à deux doigts de se faire éclater un vaisseau sanguin. 
  • Emotion n°2 : culpabilité. Tendance à l'action induise : soumission. Réalité : il y a de très fortes chances que vous cédiez. 
  • Action : "ok  ok c'est bon, tu auras le droit à ...". 
  • Vous : estime de soi écornée. 
  • Votre enfant : apprentissage inconscient que générer chez vous un sentiment de honte/culpabilité par le biais d'un immense caprice en public = probabilité grandissante d'obtenir ce que je veux.
Eh bien maintenant vous imaginez que cet enfant a grandi, et qu'il a, inconsciemment, très bien compris ce mécanisme...


Comprendre que la honte/culpabilité génère une tendance à l'action qu'est la soumission, c'est :

  1. Etre vigilant la prochaine fois que vous ressentez cette émotion : qu'est-il réellement en train de se jouer ? Probablement pas grand chose, mais la question vaut la peine d'être posée. Le but étant toujours le même : une action éclairée.
  2. Se donner les moyens de ne pas jouer ce jeu là avec les autres, c'est une bien maigre victoire que de gagner sans honneur.
  3. Se déculpabiliser et regagner de l'estime de soi : oui j'ai cédé car "je ne pouvais pas faire autrement", "j'ai senti au fond de moi que..."... oui, tout cela est vrai, et ça a un nom. C'est un mécanisme d'évolution et d'adaptation hérité de temps très anciens qui provoque cela en vous, la "tendance à l'action" qui a sauvé de nombreuses vies dans le cas de la peur (> volonté de fuir) ou de la colère (> se préparer à s'opposer) par exemple.


Et voilà ! Vous n'aurez donc pas à acheter du shampoing pour des questions de honte... haha !
Ce n'est pas un concept aisé à mettre en mot mais je ne suis pas peu fière du travail accompli. En espérant du fond du cour que cela pourra vous aider :)


Je suis curieuse : faites-vous face à ce genre de situation vous-aussi ? ça vous parle ?


PS : Parce-que cette affiche me donne des envies de blagues ANTI-machistes...

2 commentaires:

  1. Merci pour ces explications très claires sur ces mécanismes relationnels.
    Je n'avais pas pris conscience de la conséquence (la soumission) que générait le sentiment de honte/culpabilité.
    Je comprends mieux ce qui se passe pour ces enfants qu'on appelle "les enfants rois" dans l'exemple que tu proposes.
    Je serai davantage attentive à cela dorénavant.

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