Confondre pensée et réalité

Ce semestre, il y a un concept psychologique qui m'a particulièrement interpellée : la fusion cognitive. C'est en gros l'état dans lequel se trouve mon cerveau après une très grosse journée : des volcans internes cachés sous mes oreilles évacuent des litres et des litres de petites neurones en fusion... Je déconne ! Malgré l'expression somme toute un peu barbare, nous allons  parler de quelque chose banal au point d'en être affligeant : prendre ses pensées pour des réalités.


Nous sommes tous, absolument tous, concernés par ce mauvais travers. A chaque fois que l'on se répète que "je suis complètement nul(le), j'y arriverai ja-mais !", on est en pleine fusion cognitive. Cette pensée n'est qu'une pensée, en aucun cas le reflet de la réalité même si vous êtes persuadé(e) preuve à l'appui d'être un(e) parfait(e) incapable.  Mon passage préféré de cet article fascinant d'où je tire ma science :

Par exemple, en se disant « je suis nulle », la tendance naturelle d’une personne est d’adhérer à cette pensée comme si elle était la réalité. Elle oublie qu’une pensée n’est qu’une pensée et que selon le contexte actuel (quantité et qualité du sommeil, alimentation, neurotransmetteurs dans son cerveau, les personnes rencontrées dans la journée, etc.) et le contexte historique (entendre plusieurs fois par jour qu’elle était nulle dans son enfance, humiliation à l’école, ou toute autre possibilité, etc.), elle va avoir un certain type de pensée plutôt qu’un autre.

En d'autres termes, ce n’est pas forcément parce que cette pensée remonte à la surface de son cerveau plus facilement qu’une autre qu’elle est plus réelle. Il est facile d'oublier qu’une pensée n’est qu’une pensée, une production du cerveau.

... personnellement j'ai dû relire une bonne dizaine de fois l'article pour être sure de bien le comprendre... il y avait comme un je-ne-sais-quoi de désagréable dans cette lecture, un truc qui sonnait un peu trop juste peut-être... Je récapitule donc (et pardonnez les paraphrases, c'est pour la bonne cause) :

1. Une pensée n'est qu'une pensée, autrement dit, une production de son cerveau ; ce qui entre nous soit dit, marque une sacrée différence avec la réalité. 
2. Une pensée dépend très fortement du contexte immédiat de la personne qui la formule (mauvaise journée, manque de sommeil...) et aussi du contexte historique de la personne, autrement dit de ses traumatismes, etc. Ce qui veut dire que ma journée pourrie du jour va avoir une influence sur le genre de rumination que je vais avoir, bizarrement, je vais difficilement me trouver que des qualités dans ces moments-là... étrange... Une pensée n'a rien donc rien d'une vérité absolue et une pensée n'est d'ailleurs pas une démonstration irréfutable et encore moins une expérience scientifique démontrant un lien de corrélation entre votre journée désagréable et le fait que vous soyez particulièrement doué(e) ou non.

D'autres exemples montrant qu'on est tous des fusions cognitives sur pattes ? Qu'à cela ne tienne, je propose, vous disposez :

Fusion avec « l’histoire de vie » ou avec des souvenirs traumatisants du passé: en pensant ou évoquant verbalement un traumatisme passé, les mêmes émotions présentes lors de l’événement traumatisant réapparaissent. La personne perd alors contact avec son environnement actuel. 

Fusion avec des événements futurs envisagés: une pensée d’inquiétude par rapport au futur est perçue comme un reflet exact du futur à venir plutôt qu’une production du cerveau émergeant dans le moment présent. 

Fusion avec un passé, présent, futur conceptualisé: la pensée « la vie ne vaut pas la peine d’être vécue » est perçue comme une conclusion réelle à propos de la vie et de ses qualités plutôt qu’un processus d’évaluation verbale produit par notre cerveau (l’adhésion au contenu de cette conclusion produira alors une perte de vitalité, de sens à la vie, et de plaisir de vivre, consolidant à son tour la fusion à cette conclusion et engendrant un effet de rétroaction positive).

Bon et puis maintenant on fait quoi avec ça ? 

Je propose d'y aller progressivement :

Déjà, on prend conscience de ce qu'est une fusion cognitive et on n'hésite pas à se la raconter auprès de ses amis : "Dis donc, Jean-Edouard, il me semble que tu es en pleine fusion cognitive là ne serait-il pas ? ... Ah tu ne sais pas ce qu'est une fusion cognitive, attends donc un instant, je t'esquessepliqueuuuh". 

Et à chaque fois que l'on attrape sa petite voix intérieure en train de prendre ses pensées pour des réalités, on la remet vite fait en place à coup de "dis donc, je me fous pas mal de savoir le pourquoi du comment tu penses cela, mais entre nous, qu'est-ce que cela t'apporte ?". Et là bim, en général, elle sait pas quoi répondre et bredouille très très rapidement un truc incompréhensible du style "tasraisonçasertàrien". Ne la faites surtout pas répéter, vous risqueriez de paraître un peu trop satisfait(e) de vous, faites comme si de rien était. 

Quand une personne mentionne le contenu d’une phrase, comme par exemple, « je suis nulle », on peut demander « À quoi cela vous sert-il de vous dire cela? En quoi est-ce utile? Où est-ce que ce contenu vous amène? » On ne s’intéresse pas à savoir si le contenu est vrai (car trop arbitraire), mais en quoi il est utile à la personne. 

L'article est au demeurant très sérieux et va beaucoup plus loin. Si le sujet vous intéresse je vous recommande chaudement sa lecture : ici. Et sur ce, je vous souhaite une super journée, car cette journée va être super ! JE LE SAIS !

... comment ça je suis encore en fusion cognitive ?! ;)

PS : Rien à voir mais j'ai ajouté une vidéo à cet article sur les "cups", si tu es une femme et que tu ne comprends pas un traître mot de ce que je dis, il est temps d'aller voir de quoi il en retourne ICI ! :)