(Roman) Passagère du silence, de Fabienne Verdier

(Roman) Passagère du silence, de Fabienne Verdier

Tant que l'impétuosité de la jeunesse n'est pas encore soumise... 
(Fabienne Verdier)

Passagère du silence est un drôle de titre pour celle qui tout au long de sa narration ne pourra s'y réduire, un peu comme si elle avait été condamnée à s'exprimer à tout prix au nom de l'expression artistique.

C'est d'abord le dur prix de la remise en question qui vous oblige à faire face qu'il faudra payer. Face à vos origines, face à votre culture, face à vous-même. Face à l'impuissance de ne pas être ou de ne pas pouvoir plus, face à la frustration de ne pas savoir où chercher et encore moins où aller, face à la terrassante colère qui nait de cette folle volonté créatrice d'un lendemain dont on peine à percevoir le bout du nez.
"L'enseignement à l’École des beaux-arts m'a déçue. On n'étudiait plus les maîtres, il n'existait plus de modèles sur lesquels s'appuyer, les élèves n'avaient plus le droit de pénétrer dans l'atelier de Léonard de Vinci ; on n'apprenait plus la pratique des techniques, ni aucune expression picturale. "Enfermez-vous dans une pièce et exprimez-vous !" nous répétaient les professeurs. La psychanalyse avait fait des ravages dans l’Éducation nationale. Le problème de savoir s'exprimer quand on n'a pas appris diverses sortes de langages pour y parvenir me rendait folle." p.16
Continuer à chercher. Chercher encore. Finalement, chercher ailleurs. Parce-qu'il le faut bien. Chercher à tout prix, au mépris de sa santé, de la proximité de son entourage, du confort des repères.
Il faut dire que dans les années 80, la Chine représente véritablement l'autre bout du monde, les conditions de vie y sont terriblement difficiles et pratiquer l'art relève du masochisme tant les murailles à franchir sont vertigineuses. Qui est cette étrangère ? Que vient-elle faire ? Est-ce une espionne ? Pourquoi faut-il qu'elle soit tant curieuse ?
Le peintre ne copie pas la nature, en même temps elle est sa révélation première ; il en restitue les traits, les états, l'ossature. Un brin d'herbe est source de connaissance. Il apprend la ligne drue, coupante, dense. (...) Le peintre, au cours de son existence, se construit une banque de données psychiques à partir de sa connivence avec le monde. C'est ce qu'il restitue dans son trait. Un jour, de cette banque de données naîtra naturellement, en un geste spontané, un acte créatif.  p.122
Fabienne ne manquera pas de sujets pour se rebeller tant les contrastes, qu'elle affectionne tout particulièrement dans sa pratique de l'art, sont nombreux. Et qu'en est-il de cette langue chinoise, cet immense mur qui se dresse entre elle et sa compréhension des enjeux (en-je ?), cette langue qui nargue son œil créateur avec cette profusion de lignes et de courbes, de pleins et de déliés ?
Je me fiche du sens de ce que tu calligraphies. Ça pourrait être le rayon lumineux sur le bec de ton oiseau, la brise du soir qui vient conter des histoires, le tonnerre qui cogne à ta porte. C'est l'éclat spirituel qui doit générer l’œuvre ; la pensée ne doit pas l'emporter sur le naturel de l'ensemble. Le sens du caractère est anecdotique pour l'instant. C'est l'unité qui importe. Tu as voulu traiter ta phrase en oubliant l'harmonie de la composition ; on sent le labeur ; ton travail est mort avant même d'avoir vu le jour. Pars toujours d'une intuition poétique et essaie d’exprimer la substance des choses ; tel est le principe constant. Où est la manifestation du mystère merveilleux ? Tu as laissé échapper le naturel. C'est trop élaboré dans ta tête.
(Roman) Passagère du silence, de Fabienne Verdier
Je conseille cette lecture :
  • à tous les amoureux d'art et de création artistique, parce-que oui, artiste c'est un dur labeur. 
  • à tous les passionnés de la Chine, pour la découvrir avec un tout autre regard.
Et je la déconseille fermement à tout ceux pour qui se mettre en avant est péché...

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Pour aller plus loin : le très beau site regorgeant de vidéos de Fabienne dont la photo en tête d'article est issue.

Ainsi que cette vidéo sur cet incroyable pinceau...

PS : Se dépasser à travers l'art, c'est valable aussi... pour moi et mon désir de perfection (mais plus pour mon désir de perfection que pour moi...). Puis bon, c'est tellement pas évident qu'une bonne tarte tatin de réconfort est de circonstance ! Et pour conclure, n'ayons pas peur de vagabonder !

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