(Roman) Une Odeur de Gingembre d'Oswald Wynd

(Roman) Une Odeur de Gingembre d'Oswald Wynd
Le voyage est un retour vers l'essentiel. 
Proverbe tibétain

Ce livre m'a complètement subjuguée.

Je me suis complètement laissé porter au fil des pages... il faut dire que je m'étais embarquée sur ce paquebot en partance pour la Chine quelques jours plus tôt, il fallait compter plus de six semaines de traversée. J'ai parcouru les océans, fait escale dans des ports aux noms imprononçables, habituais petit à petit mon palais à des saveurs nouvelles, j'étais souvent sur le pont, le regard au loin à imaginer cette vie exotique et nouvelle qui allait être mienne. Je dois bien avouer que j'étais si souvent sur le pont aussi pour tenter d'échapper à cette chaleur suffocante qui rendait chacun des mes vêtements poisseux à la fin de la journée. Je m'appelais Mary, j'étais jeune, j'en avais conscience, et si je m'imposais tout cela, c'était pour retrouver mon futur mari, rencontré une fois quelques mois plus tôt.
"S.S. Mooldera
En mer.
Le 17 janvier 1903.
Mme Carswell et moi ne nous parlons plus. Elle a été mise au courant à propos de M. Davies et moi par une des fines plaisanteries du juge de Malacca au cours du dîner. Mme C. ne rit jamais à ses astuces, mais cette fois-là, elle a pris son air d'orage. Plus tard, dans notre cabine, elle a dit que je m'étais conduite comme une femme "légère" et que j'avais sans doute oublié que j'étais fiancée à un gentleman d'une famille anglaise fort distinguée. Je devait être d'humeur malicieuse car je lui ai répondu que oui, j'étais bien financée mais que j'étais en route pour me marier et non pas pour entrer au "couvent". Elle a répondu qu'elle ne savait ce qu'il allait advenir de moi quand elle quitterait le navire à Hong Kong, car il n'y avait personne à bord qui pourrait veiller sur moi jusqu'à Shanghai. (...)" p.21
"Grand Hôtel des Wagons-LitsShanghai.
Le 8 février 1903.
Eh bien, me voilà en Chine pour la première fois, étant donné que Hong Kong n'est pas vraiment la Chine. Hong Kong est un bel endroit, mais ici c'est assez hideux, d'après ce que j'ai pu en voir. Mon hôtel est dans la concession française. Je n'avais jamais entendu parler des concessions et c'est le vice-consul, venu à ma rencontre, qui m'a expliqué de quoi il s'agissait. Apparemment, les grandes puissances ont pris des morceaux de Chine et y ont établi leurs propres lois, les autochtones ne pouvant y pénétrer que comme des étrangers, ce qui semble assez bizarre. Tous les bâtiments que je vois de ma fenêtre sont européens, et à part les pousse-pousse et ces Chinois que l'on voit dans les rues, je n'ai pas du tout l'impression d'être en Orient. Une petite rivière coule devant la ville, très sale et très encombrée d'embarcations. Des pauvres gens vivent dans des bateaux le long des berges, avec leurs familles, leurs chiens et leurs chats. Ils font la cuisine en plein air et par ce froid, sur des braseros. Mme Brinkhill m'avait dit de m'attendre à voir une très grande misère en Chine, et avait ajouté que je m'y habituerais." p.52
Cette drôle de vie que je me suis choisie, je l'ai souvent sentie me submerger et pourtant je ne l'ai jamais regrettée. C'était là. C'était ce qu'il y avait. Et il y avait tant à découvrir.
"Au milieu de toute cette immobilité figée, le geste de Sa Majesté nous a fait sursauter, une main levée de ses genoux. Ce n'était pas une main ordinaire, mais un éblouissement de griffes en or. J'avais entendu parler de ces étuis à ongles mais les voir pour la première fois m'a quand même donné un choc. Ils avaient au moins trente centimètres de long, sinon plus, sur les doigts principaux, et même si l'or en était aussi fin que possible, ces étuis protégeant des ongles qui n'ont jamais été coupés devaient être affreusement lourds. L'impératrice ne peut rien faire toute seule à cause d'eux. Elle doit être nourrie, habillée, servie en tout et en permanence par les dames de cour ; elle doit même se coucher sans ôter ses étuis à ongles. Je suis restée une minute ou deux à me poser des questions à leur propos, les yeux rivés sur ces mains qui reposaient à nouveau sur ses genoux, comme les nervures repliées d'un éventail. Chacune des bouchées qu'elle avale doit être mise dans sa bouche par quelqu'un, et l'impératrice qui règne sur le plus grand nombre de sujets sur terre après le roi Edouard est aussi dépendante qu'un infirme sans bras. Il ne faut sans doute pas s'étonner qu'elle se conduise de temps à autre comme une démente." p.152
J'ai connu de nombreux déboires de la Chine au Japon. Je ne saurais dire pourquoi. Peut-être était-ce ma capacité à ne rien prendre pour une évidence qui dérangeait, j'étais pourtant discrète, travailleuse et ne ménageait pas mes efforts pour m'intégrer.
"Si les humbles héritent réellement de la terre, le Japon devrait revenir aux femme."
Car oui, humble face à la vie, je savais l'être.
"Rire ensemble peut être une preuve d'amour plus forte que n'importe quelle autre."
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(Roman) Une Odeur de Gingembre d'Oswald Wynd
Vous l'aurez compris. Superbe et magnifique lecture. M. Dupont dirait même plus : magnifique et superbe lecture. Et ce style, mamamia, mais quelle écriture... !

A mettre dans toutes les mains :
  • qui ont soif d'aventures à travers océans et cultures asiatiques
  • qui affectionnent plonger dans la personnalité de personnage très bien construits
  • qui ont un goût certain pour le début du XXe siècle
  • qui sont fascinés par le Japon
  • qui n'ont pas encore une ride, qui ont encore le cœur un peu artichaut, pas vraiment conscience de l'évolution de la place des femmes et n'imaginent pas un monde sans conventions


PS : Je pense qu'il est dans une continuité idéale, quoique un peu au-dessus stylistiquement parlant, de ce délicieux échange épistolaire

PS2 : L'avis de ma québécoise préférée ICI (mais attention, il y a décalage horaire)

(crédit photo : ici)

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