A quel rythme vivez-vous ? De la multiplicité des temps ...

"Le temps conçu au singulier ne permet ni de décrire le monde, ni de le comprendre, ni d'y naviguer"

[Francis Pisani]

Ma mère a cette petite coutume de m'apporter une pile de vieux magazines à chaque fois que nous nous voyons. J'aime lire de "vieux" magazines car débarrassés de la pression de l'actualité, du "buzz" il m'est plus facile de m'adonner à ma petite manie. Bon, soyons honnête je dis petite manie mais en réalité il s'agit de grand plaisir : la recherche de l'article intemporel, celui qui met les mots justes sur les observations et intuitions que l'on peut avoir de notre société.

Dans cet excellent article, Francis Pisani attire notre attention sur la multiplicité des temps (polychronie) que chacun de nous expérimente au quotidien. La jeune femme allaitant son bébé tout en pianotant tranquillement sur les réseaux sociaux en est un très bon exemple. Le "temps long" de l'allaitement versus le temps quasi-instantané des fils d'actualité des réseaux sociaux. Cet accélération du rythme de la vie, mais surtout, ces changement de tempos répétés deviennent sources d'inconfort et d'angoisse.

Certains s'y opposent :

"[...] à la fin du XIXe siècle, "les dandys parisiens promenaient leur tortue en laisse pour protester contre la vitesse de la vie urbaine"."*

Beaucoup tentent de l'aménager, de le récupérer aussi. Ainsi, saviez-vous ainsi qu'en 2002, la ville de Rennes a inauguré son bureau des temps qui entre autres, invitent les employeurs et écoles rennaises à décaler leurs horaires pour éviter de tous converger aux mêmes endroits, aux mêmes moments (= bouchons interminables) ?

"Déléguons l'hypervitesse aux machines que nous gavons d'informations. Le temps réel leur convient. Pour nous, il peut être un piège. La plupart des news peuvent attendre quelques heures. Prenons notre temps pour ce qui en vaut la peine. Et apprenons à naviguer entre ces multiplicités. Le chronotope - matrice espace-temps de toute expérience et de tout récit - se complique. Il devient plus excitant."

La force de cet article est d'impliquer le tout un chacun dans ce phénomène de multiplicité des temps. Car nous l'entendons souvent ici ou là, accompagné d'un haussement d'épaules, que "ma foi, c'est un monde à plusieurs vitesses". En général, on pointe alors la dichotomie d'un monde dit "supérieur" de pouvoir, là où tout se décide avec un monde des simples gens où le métro-boulot-dodo gouverne davantage que tout autre considération, un monde duquel l'on ne se dérobe pas en tirant sur les fils des lois. C'est la première fois que je lis un auteur m'impliquant dans ce phénomène, m'invitant à moi-même jouer de la multiplicité des temps pour trouver mon équilibre. Complètement paradoxale quand l'on pense que c'est justement de la destruction d'un paradigme - l'unicité du temps - et donc d'un certain détraquement que vient la source de la sérénité. De là à penser que c'est dans l’œil du cyclone que règne le calme plat, il n'y a qu'un pas !

De telles révélations méritent une prise de conscience personnelle ... et des changements. Je crois qu'une partie des mes réponses se trouve dans le fait de refuser de prendre la voiture pour aller au travail (trop de bouchons, trop dangereux), et de m'accorder le plaisir de la lecture dans le train ... et du maquillage à toute vitesse pour gagner de précieuses minutes de sommeil ! Cette notion de multiplicité des temps me parait essentielle dans la recherche de la sérénité. L'accepter, c'est déjà prendre le temps de la bienveillance pour soi-même.

L'article en entier sur le blog de Francis Pisani en cliquant ici !

(*)  Quels rires ! J'ai cherché une image de ces fameux dandys en vain, raaah !

PS : Maysoon Zahid, extraordinaire combat pour surmonter ses handicaps, de l'arme ultime contre la complaisance.

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